Partir un jour

Chargement Évènements

VF – De Amélie Bonnin

Avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin
13 mai 2025 en salle | 1h 38min | Comédie dramatique

Synopsis :

Ce film est présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2025 et en fait l’ouverture.

Si on m’avait dit que j’allais fredonner de nouveau, près de trente ans après l’avoir entendu pour la première fois durant l’été 1996, ce tube chanté par les 2B3, boy’s band à la gloire (heureusement) éphémère… pour sûr que je ne l’aurais pas cru ! Mais c’était compter sans l’inventivité ébouriffante d’Amélie Bonnin, designer, graphiste, scénariste et réalisatrice furieusement talentueuse qui signe ici son premier long métrage, réalisé dans le sillon de son court éponyme, César du meilleur court-métrage en 2023. Elle a repris les mêmes (ou presque) comédiens formidables, les mêmes idées qu’elle a développées, malaxées, retournées, les as mis dans son shaker magique en même temps que les chansons chères à son cœur et a secoué l’ensemble avec toute l’audace et toute l’énergie dont elle est capable. Et ça nous donne un film au charme irrésistible, qui nous emporte et nous ravit !

Cécile est stressée, c’est rien de le dire ! Talentueuse chef montante du petit monde fermé de la gastronomie française, elle s’apprête à ouvrir enfin son restaurant, à l’orée de sa quarantaine. Mais rien ne va plus, elle n’est pas prête, elle n’a pas encore trouvé son plat « signature », elle angoisse… et pour couronner le tout, sa mère l’appelle pour lui annoncer que son père vient de faire un énième infarctus. À contre-cœur (oui : Cécile est égocentrique), elle décide donc de faire une pause qu’elle espère la plus brève possible pour se rendre chez ses parents. Car Cécile est une provinciale, une transfuge, elle a dû, pour s’accomplir professionnellement, partir un jour, sans retour, sans se retourner pour ne pas regretter. Dans le relais routier tenu depuis des siècles par papa-maman, il y a toujours le même rideau à perles qui sépare la salle des cuisines, les mêmes nappes, la même rumeur des poids lourds sur le bitume, le même horizon sans promesse, et ce couple qui s’aime et s’écharpe tendrement entre la bavette-frites et le dessert du jour. Mais dans le bled de son adolescence, il y a aussi ses potes qui sont restés, sans regret, sans remord et surtout sans amertume. Ils ont fait leur vie ici et leurs habitudes, inchangées, sont les gardiennes d’un bonheur simple, sans étoile au Michelin, sans téléphone rugissant. Ses potes qui n’hésitent pas à balancer à Cécile, sans méchanceté aucune mais avec une pointe d’ironie, qu’elle est devenue bien parisienne, elle qui vit sans jamais voir un cheval, un hibou, elle qui ne vient plus, même pour pêcher un poisson dans l’étang du coin. Et au milieu de la bande de ces années-là, il y a Raphaël. L’amour de jeunesse, pas le premier, mais celui qui a compté, celui qui ne s’oublie pas et qu’elle va retrouver avec les mêmes fourmillements dans le ventre. Raphaël, c’est le mec qui roule en moto (et un peu des mécaniques), celui qui aime vanner, celui pour lequel tout semble fastoche. Raphaël, charmant et charmeur, que Cécile a laissé en plan et qui pour elle aurait tout fait, chanter ses louanges, jeter des sorts pour qu’elle l’aime encore… Et Cécile va replonger dans ce monde si éloigné mais que tout en elle reconnaît comme une évidence…

Joyeux, drôle, moqueur et enveloppant comme un slow dansé à un bal du 14 juillet, le film d’Amélie Bonnin pioche avec bonheur et légèreté dans le répertoire des chansons populaires. Selon les âges, ce sont celles qui ont marqué nos étés, ceux de nos enfants, nos vacances, nos trajets, nos matins, nos précieux ou futiles fragments de vie. On pense évidemment à l’inoubliable On connaît la chanson, et de fait il plane sur ce film comme un parfum de Jaoui / Bacri… pour le ton, pour l’écriture, pour le rythme et pour l’humour qu’rime toujours avec amour.

Aller en haut