Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

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[Cinéma] – A partir de 7 ans – De Amandine Fredon, Benjamin Massoubre

1h 22min / Animation, Famille, Comédie, Aventure

Synopsis et critique : Utopia

Il a une bouille toute ronde, un petit nez pointu, une tignasse récalcitrante au lissage du peigne – et le trait vif et clair de Jean-Jacques Sempé le saisit toujours en mouvement, courant, criant, éternellement en avance d’une bêtise à faire, débordant comme tous les gamins d’une énergie (mal) contenue par les sept à huit heures quotidiennes passées en classe. C’est toujours lui qui raconte – et la langue inimitable que lui a inventée René Goscinny, enfantine mais exempte de niaiserie, un rien datée mais devenue intemporelle, est, de même, vive, claire, débordante d’énergie… Cette même langue pleine de verve qui parcourt les planches scénarisées par le même Goscinny pour Gotlib dans les Rubrique-à-brac et qui sait se faire mordante (jamais méchante) pour décrire les petits travers de la société livrée à l’observation sans filtre des enfants. Franc, direct, notre petit héros de papier commente sans malice le drôle de monde des adultes, bien terne et bien sérieux, qui n’est finalement jamais que la version (à peine) assagie de la micro-société de cour de récré qu’il forme avec ses chouettes copains, les inénarrables Agnan, Clotaire, Eudes, Alceste ou Rufus – et la petite Marie-Edwige, qui doit faire sa place dans ce monde de garçons.

Enfin ! Des décennies que le cinéma et la télévision tournent autour de ce petit héros de papier, imaginé sur un coin de table de bistrot, devenu icône nationale, sans parvenir à en retrouver l’extraordinaire vitalité mâtinée de poésie qu’avaient su d’emblée lui insuffler ses auteurs. Étirées et actualisées en longs métrages décevants avec des comédiens en chair et en os au langage trop contemporain, déclinées en séries animées au graphisme trop lissé et adapté au goût du jour, les adaptations en mouvement de ses aventures étaient paradoxalement beaucoup moins vivantes, beaucoup plus statiques et souvent effroyablement convenues que la version d’origine, artisanalement couchée à quatre mains sur le papier avec un pinceau, un peu d’encre et une vieille machine à écrire. Foin de modernisation, le graphisme est cette fois scrupuleusement celui de Jean-Jacques Sempé, qui donne vie en quelques traits à ses dessins, tandis que le langage fleuri et agréablement suranné passe directement du génie gouailleur de René Goscinny à la bouche des personnages.

La très belle idée du film, celle qui lui donne son rythme, son corps et toute sa force, c’est d’avoir intimement lié l’histoire personnelle des deux créateurs, celle de leur rencontre, de leur insubmersible amitié et de leur si fructueuse collaboration, aux adaptations de quelques unes des saynètes piochées dans les différents recueils de nouvelles réalisés par les deux compères. En un subtil dosage, le rythme effréné des courtes aventures dynamise les épisodes, plus contemplatifs, qui retracent la bohème parisienne des deux hommes, l’évocation de leurs origines, des petits et grands traumatismes familiaux qui les ont construits et des passions qui les ont portés (Ah ! La relation magique de Sempé au jazz et aux musiciens…). Le film qui en résulte est absolument épatant : visuellement très beau, curieux, drôle et émouvant, il va, et ce n’est pas une figure de style, passionner tous les publics, enfants et adultes de tous les âges et quelle que soit leur connaissance préalable des aventures en papier de Nicolas.

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