La Pie voleuse

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VF – De Robert Guédiguian

Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan

29 janvier 2025 en salle | 1h 41min | Drame

Synopsis et critique : Utopia

Un peu de soleil en plein cœur de l’hiver. Guédiguian, c’est du cinéma au grand cœur qui ne s’embarrasse pas de considérations pessimistes pour se draper dans une apparence raisonnable. La Pie voleuse, dans sa filmographie atypique qui n’a jamais abdiqué son accent, est un conte de plus qui égraine ses notes au cœur de l’Estaque, ce petit îlot de tranquillité, ce presque satellite de Marseille qui résiste encore, mais pour combien de temps, au brouhaha de notre civilisation moderne. Depuis toujours, le cinéaste nous fait arpenter son dédale de ruelles – un site impensable pour les grosses bagnoles – qui reste encore miraculeusement intact et authentique. La Pie voleuse, outre le clin d’œil à l’opéra éponyme de Rossellini dont il revisite le récit, est un jalon de plus dans une œuvre qui pourrait être une photographie amoureuse documentant l’évolution dans le temps de ce quartier. L’Estaque, d’abord hameau isolé de pêcheurs, de tuiliers, d’ouvriers, puis de chômeurs pour tendre désormais à devenir résidentiel, à se gentrifier…

La pie voleuse du film est tout ce qu’il y a d’humaine : Maria (Ariane Ascaride, tiens, tiens !). Elle est l’une de ces « petites mains » que ne renierait pas le film de Nessim Chikhaoui qui portait ce beau titre. Elle consacre une bonne partie de ses journées à faire des ménages chez des gens moins indigents qu’elle, à les aider, à les écouter et à trouver le mot doux, malgré ses propres maux et le temps qui passe et n’arrange rien… Rien qui rime avec bon-à-rien, qui n’est pas tout à fait le prénom de son compagnon qui s’appelle Bruno (Gérard Meylan, tiens, tiens !) mais dont elle aimerait qu’il arrête de dilapider au jeu l’argent de sa retraite, celle qu’elle ne peut de son côté pas se permettre de prendre et qui pourtant à son âge serait bien méritée.
Que reste-t-il mis à part les générations qui suivent pour garder l’espoir d’un avenir meilleur ? Quand elle voit la passion pour la musique qui anime son petit-fils, son acharnement, elle veut tout faire pour qu’il puisse prendre son envol, pour qu’aucun événement ne puisse venir briser ses ailes. Surtout pas le manque d’argent. Qu’il faille lui payer un piano, des cours individuels pour le propulser plus haut devient vite une évidence. Mais comment ? Avec quel argent ? Le salaire d’une assistante de vie n’y suffirait certes pas. Que faire, vers qui se tourner ? Plus habituée à apporter son aide qu’à en demander, Maria ne s’y résout pas. Elle ne parvient même pas à se confier à son plus fidèle bénéficiaire, Monsieur Moreau (Jean-Pierre Darroussin, tiens, tiens !). Pourtant tous deux sont devenus complices, avec une forme d’amitié, presque amoureuse pour lui, même si inavouée. On sent bien que ce Monsieur Moreau serait prêt à aider financièrement celle qui l’accompagne depuis si longtemps. Mais Maria ne veut pas, ne peut pas quémander, alors elle va se débrouiller…
Embarqués dans cette aventure il y a aussi Laurent, Audrey, Kevin, respectivement Grégoire Leprince-Ringuet, Lola Naymark, Robinson Stévenin, pour qui on aurait pu tout autant écrire : « Tiens, tiens ! ». Et puis aussi Jacques Boudet, récemment disparu, passant ainsi, selon les mots du cinéaste, du rôle d’aîné à celui d’ange gardien… Ben oui, nous voilà rassurés, Robert Guédiguian n’abandonne pas ses troupes et leur reste fidèle, comme à ses idées, « À la vie à la mort ! » – titre d’un de ses plus beaux films que tout ça donne envie de reprogrammer. Dans un monde qui ne cesse de se durcir, toute solidarité, toute bienveillance, bien que le mot puisse parfois dégouliner, sont bonnes à prendre et font diantrement du bien !

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