Empire of light

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[Cinéma] – VOST (US) – De Sam Mendes

Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Tom Brooke
1h 59min / Romance, Drame

Synopsis et critique : Utopia

Juste après The Fabelmans de Steven Spielberg (également sur cette gazette), c’est au tour de Sam Mendes de nous offrir une très belle déclaration d’amour au cinéma : un film formidable et particulièrement émouvant qui dit l’importance que peuvent avoir dans nos vies ces images plus grandes que nous, projetées sur l’écran blanc d’une salle plongée dans l’obscurité où, détail essentiel, on les partage avec d’autres…

Mendes situe l’action de son récit au début des années 1980, dans la salle de cinéma sur le déclin d’une petite ville balnéaire anglaise. Lieu magique malgré tout, où les employés forment une sorte de famille de cœur et se soutiennent vaille que vaille pour continuer à faire vivre le lieu et surmonter les petits et grands tracas du quotidien. Gageons que même celles et ceusses qui n’ont jamais travaillé dans une salle de cinéma seront aussi touchés que nous par la justesse avec laquelle Mendes décrit les liens qui unissent la petite équipe, de la caisse à la cabine de projection, du contrôle des billets à la programmation. Leur salle s’appelle l’Empire, et même décatie, elle a gardé l’allure qu’avaient les grands cinémas des années 1960 et 1970 : écran unique, tickets vendus dans un petit guichet sur l’extérieur, entrée donnant sur un vaste hall tout de bois, velours rouge et cuivres brillants. Hillary, la gérante, est toujours la première sur les lieux, c’est elle qui allume les lumières, préchauffe le popcorn (nobody’s perfect), prépare le café, vérifie les recettes en comptant les talons des tickets vendus la veille.

Mais comme elle le confie à son médecin qui la soigne pour une dépression sérieuse, elle se sent éteinte. Est-ce à cause du lithium qu’elle prend chaque jour sur ordonnance ? Est-ce la crise de la quarantaine et le poids de la solitude dans cet environnement gris et froid de l’Angleterre thatchérienne qui sévit là dehors ? Ou encore, est-ce à cause des relations plus que professionnelles et pas du tout passionnelles qu’elle entretient avec son patron marié – admirable Colin Firth en salaud pathétique et frustré – qui font que la vie pour Hillary n’a pas le goût sucré des friandises que les spectateurs lui achètent au magnifique comptoir de confiseries qui trône au centre du hall ?
Mais la vie réserve toujours des surprises et celle d’Hillary va se voir bouleversée par l’arrivée d’un nouvel employé dans l’équipe. Un jeune homme pétillant, passionné et curieux. Ils vont se rapprocher comme deux solitudes qui se trouvent et se complètent. Mais une femme mûre et un tout jeune homme, et qui plus est une femme mûre blanche et un tout jeune homme noir… c’est un couple inacceptable dans une société qui n’a de libérale que l’économie… L’aventure sera plus que compliquée mais Hillary et Stephen y gagneront malgré tout chacun autre chose…

Sam Mendes nous livre une œuvre sensible et romanesque, révélant par touches subtiles, sans jamais s’appesantir, les signes avant-coureurs de la fin d’une époque et le début d’une autre, la nôtre, avec ses crises économiques à répétition, son fascisme rampant et le triomphe du cynisme. Mais le cœur de son film est tourné – comme son titre l’indique – vers la lumière du projecteur, celle qui par la magie de la physique illumine l’écran noir de nos nuits blanches (merci Nougaro) et ravive le feu intérieur. Il fait d’Hillary sa messagère fragile, incarnée par la sublime et bouleversante Olivia Colman, qui, comme nous, trouvera la lumière dans la salle obscure.

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