Divertimento

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[Cinéma] – De Marie-Castille Mention-Schaar

Avec Oulaya Amamra, Lina El Arabi, Niels Arestrup
1h 50min / Drame, Biopic

Synopsis et critique : Utopia

Que diriez-vous d’un film chaleureux, radieux, pour lutter contre les frimas de l’hiver, les jours trop courts ? Tel est ce Divertimento de Marie-Castille Mention-Shaar, qui vise juste et vient percuter sans rechigner la réalité. Divertimento joue avec les préjugés, les malmène et c’est salutaire, intelligent sans oublier d’être pêchu, drôle et offensif. Car, nourrie par les injustices séculaires, la révolte gronde sous la jovialité inaltérable des deux jeunes protagonistes. Tête haute, fortes de cette dignité de ne pas se laisser aller à répondre à la bassesse par la bassesse, c’est avec une grande élégance, la force de leur jeune âge que les sœurs Ziouani, Zahia et Fettouma, se battront avec grâce, non contre les autres, mais contre leur bêtise, ce synonyme de la paresse, disait Jacques Brel : « cette graisse que l’on a dans le cœur ».
Premières images, premières sensations fortes, celles de l’enfance, quand quelque chose de plus grand que soi vous pousse à braver les interdits. Celui notamment de sortir de son lit en pleine nuit pour se laisser happer comme une luciole par la luminescence du petit écran à une heure indue, de s’imposer sur le canapé familial, entre papa et maman, qui se croyaient enfin seuls en amoureux. Mais Zahia le fait avec tant de conviction tranquille, et pour de si bonnes raisons, que ni père, ni mère n’auront le cœur de la renvoyer dans sa chambre. Le concert qui se donne sous les yeux de la fillette n’est pourtant pas de ceux qu’apprécient généralement les chérubins. Le vieux chef d’orchestre qui le dirige, usé mais aux gestes puissants, la fascine, l’hypnotise mieux que ne le ferait un prince charmant. Le regard complice échangé entre ses parents en dit long sur la fierté de leur réussite, celle de la transmission de valeurs plus essentielles que quelques heures de sommeil perdues ou une autorité parentale contrariée.

Dix ans passent comme un ange que l’on ne voit pas filer. Le boléro de jadis continue de planer, immuable et évanescent, par dessus les toits de la cité. Il irradie la vie de Zahia et de sa jumelle Fettouma, que l’on découvre. Les voilà prêtes à déployer leurs ailes, à affronter ensemble la vie tel un couple d’inséparables, complices jusqu’au bout de leurs archets. L’une s’adonne au violon, l’autre au violoncelle, l’une rêve de devenir cheffe d’orchestre, l’autre de rester l’ombre de son ombre. Fidèles alliées à tout jamais. Pour toutes deux, c’est l’heure du baccalauréat, l’heure de transformer les essais en réussites. Et c’est une chance inouïe, ou plutôt une chance chèrement conquise, qui s’offre à elles : être intégrées dans une filière d’excellence, loin du 93, loin de leur banlieue. Le lycée Racine, dans le 75, fait partie de ces microcosmes huppés, de ces îlots de richesse qui rechignent à partager des privilèges jamais véritablement abolis. D’emblée professeurs comme élèves, telle une meute féroce, font bloc contre les intruses étrangères à leur rang social. Beaucoup ne se privent pas de remarques aussi mesquines que sexistes, nous rappelant qu’il ne suffit pas de faire partie d’une élite pour échapper à la médiocrité. Si Zahia se rebiffe plus ouvertement, la discrète Fettouma n’en est pas moins déterminée, plus solide derrière ses timides sourires qu’un grand mâle bodybuildé. Deux phoenix magnifiques qui refusent de se laisser consumer par la haine ambiante et, quand bien même s’embraseraient-elles, si brillantes qu’elles renaitraient farouchement de leurs cendres ! On serait prêts à le parier. Leur monde n’est que musique, même son bruit et sa fureur.
C’est beau, c’est exaltant, et c’est tiré d’une histoire vraie qui nous rappelle qu’il ne faut jamais abdiquer.

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