Novembre

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[Cinéma] – De Cédric Jimenez

Avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain
1h 40min / Thriller, Policier

Synopsis et critique : Utopia

C’était l’une des « curiosités » attendues au tournant lors du dernier festival de Cannes où il était présenté hors compétition. Un casting royal, un sujet hautement sensible, un précédent film controversé… tout était là pour créer l’évènement : Novembre, thriller policier sur les terribles attentats parisiens du 13 Novembre 2015. Délicat, pour ne pas dire complètement casse-gueule. Le danger de tomber dans le sensationnalisme, alors que la tragédie est encore chaude dans tous les esprits et que se terminait à peine le procès. Plutôt qu’un film spectaculaire ne reculant devant aucune ficelle opportuniste, Jimenez signe un thriller minutieux, un film qui garde la tête froide, focalisé sur son objectif érigé en note d’intention. Pas de bascule dans l’indécence, pas question d’instrumentaliser l’histoire, Novembre s’applique juste à détailler les coulisses d’une traque en articulant avec adresse enjeux, portraits et regards humains. Plutôt que de plonger le spectateur dans le pathos, ou de broder autour de ce traumatisme nationale des histoires annexes, il suit les personnages au téléphone, à remplir des circulaires, de la paperasse, encore et toujours, à essayer de reconstituer les éléments de ce puzzle inimaginable. Le réalisateur s’en tient aux faits, ne s’écartant jamais de son objectif de base : retranscrire une chasse aux fantômes. Et c’est de ce chaos banal entre les différents services de l’administration que le réalisateur va tirer un film tendu.
Pour autant, Cédric Jimenez ne tombe pas dans l’effort compassé ayant peur de son sujet délicat. Le cinéaste trouve le juste milieu entre le « suspense » (façon de parler dans la mesure où l’on connaît les enjeux et les aboutissements) d’une enquête haletante et la dignité d’un film rendant hommage au travail difficile de ceux qui l’ont mené à bien. Le sujet, l’angle du scénario, le propos, l’importance de l’histoire, tels sont les éléments qui l’ont poussé à accepter le projet. Durant 1h40, le réalisateur s’obtsine constamment à solidifier son socle : raconter cliniquement le déroulé des évènements tout en gardant un œil ouvert sur l’humain au cœur d’une situation vraiment particulière. Le déroulé, c’est l’immédiate urgence, protéger et trouver. C’est la complexité de l’enquête, le souci du moindre détail, les impasses, les fausses pistes, démêler le vrai du faux, chercher une aiguille dans une botte de foin avec l’impossibilité d’échouer. L’humain est réduit au minimum par choix cohérent. : des hommes et des femmes confrontés à l’urgence de devoir résoudre une situation de crise, des hommes et des femmes qui ont tout stoppé, leur vie, leur famille, leurs émotions et se sont mis en mode « machine » pour se concentrer à 200% sur un but unique qui a occupé toute leur attention durant quelques jours de terreur : trouver avant que ça recommence.

Un autre film aurait pu s’attacher aux soignants, pris ces jours-là dans la même urgence de concentration sur un seul objectif : sauver des vies. Le film évacue les images d’attentats, l’emphase ou le tire-larmes, et demeure documenté et à bonne distance de ce qu’il raconte. Les comédiens sont tous impeccables, dans un agencement narratif choral reflétant l’idée d’un travail collectif, pris dans un montage restituant parfaitement la situation vécue entre pression, chaos et vertige. La mise en scène chargée en tension traduisant bien cette idée de course contre la montre, la peur palpable, l’épuisement, le devoir de ne pas lâcher, les petites victoires, les erreurs, le défaitisme et la pugnacité.
Novembre réussit son pari en s’emparant probablement du sujet le plus complexe possible pour en faire une œuvre cathartique, maîtrisée et pudique. Si certains pourront se questionner sur la pertinence d’un tel projet, il sera bien plus difficile de lui reprocher tout manichéisme – les flics, ici, ne sont pas des héros mais simplement des hommes soumis à une hiérarchie et plongés dans un tunnel qu’ils auraient aimé ne jamais avoir à découvrir.
Novembre vient s’ajouter à d’autres fictions qui se sont emparées de ce traumatisme national : Amanda, Revoir Paris, la série En thérapie et (à venir) Vous n’aurez pas ma haine que nous n’avons pas encore vu. Autant de possibilités de créer un regard tourné vers les hommes et les femmes, comme une manière de poser un sens et une humanité sur un événement qui en est totalement dépourvu.

(merci à Mondovision et abusdeciné)

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