La cour des miracles

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[Cinéma] – De Carine May, Hakim Zouhani

Avec Rachida Brakni, Anaïde Rozam, Disiz – Sérigne M’Baye
1h 34min / Comédie

+ Mondo Domino – 2020/FR/6mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : Mondociné

La Cour des miracles est le deuxième long-métrage du duo formé par Carine May et Hakim Zouhani, qui, depuis dix ans, s’inspirent de leur ville d’Aubervilliers « que des fois on aime, et que des fois on déteste » pour raconter la formidable énergie, la créativité parfois bricolée mais toujours inspirée qui règne de ce côté-là du périph. C’est en 2011 qu’on les a repérés, avec Rue des Cités, un « court long-métrage » à cheval entre le drame et le documentaire, justement salué par la critique. C’est toujours avec cette volonté de raconter le monde à leur porte qu’ils ont écrit et filmé cet épatant et chaleureux La Cour des miracles, en abordant un sujet de société sérieux et ô combien d’actualité avec une bonne humeur communicative. Pour vous donner une idée du ton du film, on pourrait dire qu’on est entre La Lutte des classes, de Michel Leclerc, et La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Pas si mal comme références !

Rien ne va plus à Jacques Prévert, école primaire de Seine-Saint-Denis dont l’équilibre précaire est menacé par l’arrivée d’un nouvel établissement bobo-écolo flambant neuf qui doit ouvrir à la rentrée prochaine au cœur d’un tout nouveau quartier dont la construction s’achève. Avec ce projet, la municipalité entend bien attirer de nouvelles familles plus aisées, séduites par la qualité de l’habitat, des prix au m2 très attractifs et la promesse d’un quotidien vert et harmonieux, bref, une vraie belle image d’Epinal.
Pour Zahia, la directrice de Prévert, c’est surtout le début des ennuis : son école vieillotte, plantée au cœur des tours, ne fait pas le poids et la grande fuite des cerveaux a déjà commencé : personne ne veut plus inscrire ses gamins dans son école, et pire encore, certaines familles, attirées par le chant des sirènes, jouent déjà des pieds et des mains pour avoir leur place dans ce nouvel eldorado éducatif, selon cet adage bien connu que « vous comprenez, c’est pas contre vous, mais on veut le meilleur pour nos enfants ».
En quête de cette fameuse « mixité sociale » prônée par des décideurs qui voient les choses d’en haut, parlent beaucoup mais agissent peu, Zahia a un plan. Un plan imparable. Ils veulent du vert ? Un projet éducativo-écolo ? Des méthodes créatives, innovantes, montessoriennes ? Qu’à cela ne tienne, on va les leur amener sur un plateau. S’ils ne veulent pas venir à Jacques Prévert, c’est Jacques Prévert qui va venir à eux !
Et ça tombe bien car la dernière arrivée, Marion, est une jeune enseignante pleine de ressources qui connaît la vie au grand air et en collectivité. La nature, les animaux, les grands projets hors des quatre murs de la salle de classe, non seulement ça la motive, mais en plus est elle douée pour ça. Et un enseignant joyeux et motivé, ça te booste une classe (même surchargée) en moins de temps qu’il n’en faut à l’Education Nationale pour trouver des remplaçants. Jacques Prévert sera la première « école verte » de banlieue ! Mais pour ça, il va falloir composer avec une équipe pédagogique pour le moins hétéroclite et très diversement formée, et avec un recteur d’Académie qui ne brille pas par son ouverture d’esprit…
Le tandem de cinéastes tricote à quatre mains un film positif, dénonciateur d’une situation dégradée en même temps que porteur d’optimisme et de promesses : dysfonctionnements, délabrement des locaux, manque cuisant de moyens humains et financiers, délitement de la motivation, danger d’un fonctionnement à deux vitesses, gentrification de certains quartiers au détriment du bien commun, tout cela est montré sans ambages. Pourtant, l’espoir existe, et il n’est pas du côté de l’administration, mais bien du terrain et de l’humain.

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