Armageddon time

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[Cinéma] – VF – De James Gray – Samedi 10/12 à 20h15 en VF et Dimanche 11/12 à 17h en VOST

Avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta
1h 55min / Drame

Synopsis et critique : Utopia

Après avoir atteint les confins de la galaxie dans Ad astra, James Gray revient sur Terre, à New York, déjà le théâtre de cinq de ses précédents films. Beaucoup ont à voir avec les liens familiaux mais celui-ci est bien plus intime car il s’appuie sur les souvenirs personnels du cinéaste pour évoquer cette année charnière que fut 1980. Le projet d’Armaggedon time était d’exprimer ces souvenirs avec le plus de sincérité possible. On peut dire que c’est superbement réussi, cette sincérité se ressent tout au long du récit et nous touche au plus profond, aux confins d’une odyssée cette fois proustienne, magnifiée par une photographie somptueuse et des interprètes d’une grande justesse.

Le jeune Paul, d’une famille juive de classe moyenne, intègre une école publique dans le Queens. Fasciné par l’espace, dessinant des fusées, il se lie d’amitié avec Johnny, un enfant noir vivant avec sa grand-mère, lui aussi passionné par le cosmos, partageant comme un trésor les autocollants de la NASA que son frère lui envoie de Floride. L’un comme l’autre n’étant pas des élèves modèles, ils vont faire l’école buissonnière, à l’image des aventures d’Huckleberry Finn de Mark Twain, se retrouvant dans la cabane de jardin de Paul. Puis va survenir un événement qui va confronter Paul à la réalité et le mettre face à un dilemme moral qui, avec l’aide de son grand-père (Anthony Hopkins), l’amènera à grandir, à devenir un « mensch ». Pris tous deux en train de s’essayer à fumer un joint aux toilettes, le sort qui sera réservé à Paul d’un côté et à Johnny de l’autre sera bien différent à cause de leurs origines sociales. Johnny sera expulsé et Paul intègrera une prestigieuse école privée, Forest Manor, déjà sous la coupe de la famille Trump dont l’un des membres prononce le discours inaugural de l’année scolaire…
En cette même année 1980, Ronald Reagan prédisait dans une interview : « nous sommes peut-être la génération qui verra l’Armageddon ». Ce qu’il ne disait pas, c’est qu’il en serait l’artisan le plus zélé et influent. Prenant pour modèle Margaret Thatcher, il allait poser les bases du néolibéralisme, de son cortège de destruction de l’État, de guerre contre les travailleurs, les chômeurs, les pauvres, les minorités, et de transfert des richesses vers les 1% les plus riches, une onde de choc qui devait se propager jusqu’à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, reprenant le slogan de Reagan : « Let’s make America great again ». Pour mener cette politique, Reagan en sa qualité d’acteur allait parfaire une méthode d’abord employée par Nixon : détourner l’attention des électeurs vers ce que l’on appelle les « questions culturelles », attisant le racisme, s’opposant à l’avortement, favorisant le lobby des armes et fustigeant l’école publique. De ces années résultèrent entre autres une hausse sans précédent de la mortalité, du coût des soins de santé et du taux d’incarcération. L’offensive culturelle allait se manifester aussi dans l’industrie cinématographique avec l’invention des blockbusters dont beaucoup exaltaient à outrance le « rêve américain » et l’individualisme (il sera intéressant de mettre en regard le film de James Gray avec celui, également autobiographique, de Steven Spielberg, The Fabelmans, attendu en janvier prochain).

Ce récit, profondément sincère et juste, est celui d’une enfance américaine, celle du cinéaste au commencement des années Reagan, de la découverte de l’inégalité des chances, de la ségrégation et d’un système éducatif truqué. C’est une histoire d’amitié, de lutte des classes, où le positionnement moral de chacun sera mis à l’épreuve de « l’Armagedon » qui s’avance.

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