Stars at Noon

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[Cinéma] – De Claire Denis

Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie
2h 17min / Drame, Romance, Thriller

Synopsis et critique : Slate.fr

On ne sait pas encore où on est – au Nicaragua soumis à la dictature sandiniste. Ni pourquoi cette jeune Américaine s’y trouve – la réponse ne viendra jamais. Mais on sait très vite, et de manière très sûre, que celle qui l’incarne est une formidable actrice, une présence d’elfe érotique et fragile, un précipité de volonté au bord de la rupture, entre jubilation de l’instant et terreur.
Et, à bien des égards, ce qui émane de Margaret Qualley répond de ce qu’est le film tout entier : torride et trouble, éperdument vivant, en danger constant. Sans être, loin s’en faut, une débutante, l’actrice y est une révélation, habitant pratiquement chaque plan avec une intensité capable de toutes les modulations, de toutes les ruptures de ton.
On l’a dit à propos de l’interprète principale, on aurait pu essayer de le faire depuis la musique de Stuart Staples et the Tinderstick, complices au long cours de la cinéaste : le jazz doucement funky, à la fois murmure sensuel, menace à mi-voix et trouble des perceptions, « dit » le film tout entier. Et de manière peut-être plus explicite que ne le ferait son scénario.

Adapté de l’éponyme roman hypnotique de Denis Johnson, en poussant plus loin encore l’approche par les sensations plutôt que par l’enchaînement des éléments narratifs, le dix-neuvième long métrage de Claire Denis accompagne la trajectoire chaotique de Trish, qui cherche désespérément à quitter le piège dans lequel elle s’est fourrée en s’installant à Managua.
Circulant entre menace d’un militaire attiré par elle, séduction graveleuse d’un vieil officiel, rencontre sous haute tension d’un représentant des services spéciaux d’un pays voisin et surtout séduction d’un Anglais vêtu de blanc et de mensonges, la jeune femme suit un parcours qui flirte avec les figures du roman d’espionnage et de la romance fatale, sans jamais en tirer les effets classiques, ni côté action ni côté exotisme.
Le film se déploie ainsi par nappes successives, certaines très tendres, certaines d’une extrême brutalité, émettant une atmosphère aussi prenante que perturbante.

Mâles en rut et agents très spéciaux, assignations violentes à des comportements et à des rôles dus à l’origine sociale et géopolitique, signes de l’oppression militaire et d’une misère sans fond et sensations physiques liées au climat comme aux pulsions engendrent ensemble une expérience de cinéma d’une puissance exceptionnelle.
« Film de genre » reconfigurant tous les codes des genres, Stars at noon n’a rien d’un exercice de virtuosité gratuit : en mobilisant pour mieux les dissoudre les codes de la fiction, Claire Denis approche à pas de louve des ressorts les plus intimes, des mystères très communs et très profonds qui agissent sur les humains. Et c’est très beau.

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