L’improbable voyage d’Harold Fry

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[Cinéma] – VF – De Hettie MacDonald

Avec Jim Broadbent, Penelope Wilton, Linda Bassett
1h 48min / Drame

Synopsis et critique : Utopia

Peut-être n’est-il jamais trop tard dans la vie pour surprendre son monde ? Même si telle n’était pas l’intention d’Harold Fry ce matin-là qui démarrait comme tant d’autres. L’aspirateur avait suçoté la moquette au beige fané. Derrière les rideaux complices, on avait espionné le voisin en train de bichonner un arbuste. Rituels sans éclat, peu palpitantes distractions pour remplir le vide d’une retraite sans vagues. Ainsi procédait à pas mesurés la routine dans ce quartier pavillonnaire de Kingsbridge, Devon. À l’aune de cette vie monotone, sans un pet de travers, nul ne pouvait s’attendre à ce qu’Harold fit un pas de côté, surtout pas lui-même. Seul le ralentissement inhabituel du fourgon postal en arrivant devant sa porte aurait pu l’intriguer, mais jamais au grand jamais laisser présager le futur maelstrom qui allait se produire à l’intérieur de son crâne et de son ménage. Et dire que pour causer ce tremblement de terre, il aura suffi d’une simple lettre…

La voilà donc au centre du motif, la coupable enveloppe d’un rose sirupeux venue d’un improbable lieu : Berwick-upon-Tweed dans le Northumberland, la ville la plus au Nord de l’Angleterre, à plus de 700 km de là. Harold de s’étonner : mais qui connaît-on là bas ? Absolument personne de répondre sa moitié Maureen Fry qui se renfrogne devant sa tasse de thé. Et l’humeur de l’épouse ne va pas s’arranger quand, d’une voix perplexe, Harold annonce après avoir décacheté l’intruse que c’est une lettre de « Queenie ». Soudain le petit déjeuner de Maureen est gâché, son regard ne masque ni sa contrariété, ni une forme de jalousie inquiète que l’attitude étrange d’Harold ne cessera de nourrir. Les relents des non-dits nous prennent à la gorge, la tension palpable n’épargne pas nos nerfs. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas eu de nouvelles de Queenie ? 10, 20, 30 ans ? Là voilà qui s’annonce terrassée par un cancer, en phase terminale…
Harold, en être sensé qu’il a toujours été ou voulu paraître, aurait pu, aurait dû se contenter de répondre par quelques mots de réconfort maladroits couchés sur un bout de papier. Et c’est même son premier réflexe, qui entraîne ses pas vers la première boîte aux lettres venue pour envoyer sa réponse à Queenie. Mais un passage éclair dans une station service, les mots échangés avec la vendeuse aux cheveux bleus, mi-ange, mi punkette, vont tout simplement changer le cours de son existence. Ses pas ne s’arrêteront pas à la poste, ils ne s’arrêteront peut-être jamais plus, ils l’éloigneront inexorablement du domicile familial vers une quête insensée, déraisonnable, à tout le moins improbable : aller voir Queenie et la sauver. Voilà notre Harold qui entreprend la Longue Marche, celle de sa vie, celle pour la vie, se répétant inlassablement à haute voix comme un mantra hypnotique : « Je vais marcher, et tu vivras. » Folie admirable, majestueuse ! Nous voilà réglant nos pas dans ceux d’Harold, lui nous entraînant dans un périple que l’on n’imaginait pas, presque un pèlerinage (si on se fie au titre original du film), plein de rencontres réjouissantes, attachantes, parfois drôlatiques. Un périple au cours duquel les chemins d’aujourd’hui serpenteront avec les méandres du passé de notre marcheur, de ses regrets, vers l’espérance d’une rédemption, d’impossibles réparations, vers la rémission et peut-être l’amour retrouvé.

Voilà un film modeste et serein, beau comme un instant de grâce, infiniment réconfortant et bienfaisant… sauf pour les pauvres pieds d’Harold, plus entraînés à pantoufler qu’à se lancer dans une rando de 700 kilomètres…

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