Les amandiers

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[Cinéma] – VF – De Valeria Bruni Tedeschi

Avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel
2h 05min / Comédie dramatique

Synopsis et critique : MPM, ecrannoir.fr

Dans ce que beaucoup s’accordent à considérer comme son meilleur film, Valeria Bruni-Tedeschi recrée l’ambiance de l’école d’acteurs du théâtre des Amandiers, créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans à Nanterre en 1986, et qu’elle a fréquentée au milieu de toute une génération exceptionnelle de comédiens, de Bruno Todeschini à Marianne Denicourt, en passant par Agnès Jaoui. Elle reste ainsi sur une veine semi-autobiographique – le personnage principal, Stella, s’inspire directement de sa propre expérience – tout en cherchant plus à retranscrire l’esprit du lieu qu’à le documenter précisément. Seuls Patrice Chéreau (Louis Garrel) et Pierre Romans (Micha Lescot) sont par exemple identifiés sous leur propre nom. Les jeunes comédiens de la troupe, s’ils renvoient parfois ouvertement à des personnalités connues, ne sont eux jamais nommés sous leur véritable identité, et ne cherchent pas à « ressembler » à leurs modèles.

Cette liberté avec la réalité permet à la réalisatrice de composer un très joli portrait de groupe et, par extension, de cette fin des années 80 marquée avant tout par une formidable énergie. La crise du sida, qui touche de plein fouet les personnages, ajoute à l’urgence de la jeunesse. Les émotions sont exacerbées par ce monde en pleine mutation, dont il faut saisir toutes les promesses. Dans cet élan perpétuel, le jeu théâtral se confond avec la pulsion de vie, et Valeria Bruni-Tedeschi livre ce qui est peut-être sa vision du jeu d’acteur à travers une réplique puissante attribuée à Chéreau : « Pourquoi regarder des gens qui font semblants d’être ? Qui n’ont pas nécessité à jouer ? » , suivie, un peu plus tard par : « On essaie de jouer parce que c’est ce qu’on sait faire ». Jouer, parce qu’on a pas le choix, comme le raconte en filigrane la scène d’audition dans laquelle chacun se met à nu en expliquant ce que représente, pour lui, le fait de devenir comédien.

La réalisatrice capte justement avec beaucoup de sensibilité ces scènes d’auditions et de répétitions, parfois fiévreuses, et toujours habitées, grâce au formidable talent de la troupe de jeunes interprètes dont elle a su s’entourer, de Nadia Tereszkiewicz à Clara Brethau en passant par Vassili Schneider ou Sofiane Bennacer. Leurs aînés sont à l’unisson, avec notamment un Louis Garrel très juste en Patrice Chéreau – dont le film ne cherche jamais à faire le panégyrique.
On est dans la chronique tendre et parfois drôle, au ton volontairement naturaliste magnifié par une image splendide, dont le grain nous replonge immédiatement dans les années 80. Rythmé sans être frénétique, le film impose son écriture par petites touches, comme des souvenirs d’instants précis qui remontent à la surface et construisent peu à peu le récit subjectif et intime d’une année dans la vie de ses personnages.
On est touché presque malgré soi par la simplicité et la justesse de la proposition de Valeria Bruni-Tedeschi. Ce ne sont pas tant les drames traversés par les protagonistes qui nous arrachent des larmes que l’évocation nostalgique de quelque chose qui n’existe plus : le fol espoir des années 80, le laboratoire de recherches des Amandiers, la vitalité créative des premières années d’apprentissage et – pour les plus de cinquante ans – notre propre jeunesse.

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