La Panthère des neiges

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[Cinéma] – De Marie Amiguet, Vincent Munier

Avec Sylvain Tesson, Vincent Munier
1h 32min / Documentaire

Synopsis et critique : Utopia

Sublime invitation au voyage : répondre à l’appel des mondes oubliés, de la faune sauvage, d’une humanité perdue au fin fond du Tibet. L’aventure se déroule entre 4500 et 6000 mètres d’altitude, des chiffres qui filent le tournis. Assis dans notre fauteuil, nous goutons tous les avantages du périple sans ses inconvénients : découvrir une nature accessible à très peu de regards tout en évitant le fouet du vent violent, les températures extrêmes, entre -18° et -35°…

C’est bien jusque-là qu’il faut aller pour espérer apercevoir, le temps de quelques instants fugaces, des animaux presque aussi mythiques et invisibles que le fameux dahu ou la sublime licorne. S’il n’y avait ces rares images prises dans les années 1970 par le biologiste américain George B. Schaller, qui croirait à l’existence de la panthère des neiges ? Si rares sont ceux qui l’ont entr’aperçue… C’est autour de cet incroyable quête que Vincent Munier va transporter une minuscule troupe choisie vers d’improbables sommets pour partir sur les traces de l’insaisissable animal. Et ce suspens nous tiendra en haleine tout autant que les époustouflantes prises de vues, les formidables rencontres inattendues. Les gouttes de fine rosée sur un brin d’herbe frêle, les vapeurs qui montent de chauds museaux, la terre si charnelle, un flocon immaculé, le plumage duveteux d’un rouge-queue… ici tout est sujet à émerveillement. D’une beauté littéralement à couper le souffle, chaque prise de vue célèbre la vie, une forme d’harmonie évidente, réparatrice. L’immensité vertigineuse et intemporelle nous ramène de façon salutaire à la fragilité de tout être vivant, donc à la nôtre.

Ici sera la croisée des chemins entre trois personnages, plusieurs façons d’être, de témoigner. Se faire oublier, « mépriser les douleurs, ignorer le temps, et ne jamais douter d’obtenir ce que l’on désire », c’est tout l’art de la documentariste invisible et du photographe taiseux qui se tiennentt à l’affut ; véritable gageure initiatique pour l’écrivain volubile, habitué à croquer la vie par les deux bouts. L’homme de plume devra apprendre à se tapir, silencieux, à régler ses pas sur ceux des preneurs d’image, rodés aux longues heures d’attente solitaire. Car c’est alors qu’on se pense sur le point de se transformer en caillou ou en glaçon que se produisent parfois des apparitions quasi miraculeuses… ou pas… Il est si facile de passer, sans les voir, à côté des choses tapies dans les reliefs rocheux, de devenir un observateur observé, un photographe photographié, pris au piège de ses propres jeux. La panthère des neiges est-elle bien réelle ? L’excitation nous gagne… On se prend à guetter les infimes indices, rongeant notre frein, n’osant parfois plus guère espérer. Un grondement de tonnerre, un grognement qui se rapproche, celui d’un prédateur, d’un plantigrade ? Soudain l’espèce dominante de la planète, dépouillée de ses artifices, se rappelle qu’elle est vulnérable. À armes inégales dans ce royaume animalier, elle peut enfin renouer avec son instinct, ses sens, une spontanéité enfantine, viscérale. Ici les montres n’ont plus d’emprise sur le temps. Ici il faut lâcher prise, il n’est d’autre choix que de prendre la vie comme elle vient. La pratique de l’attente, de la contemplation, procure alors des plaisirs tout aussi délicieux que l’espérance. Véritable philosophie de vie qui nous conduit à l’essentiel, l’envie de protéger le vivant, de ne plus rien détruire. Et quelle que soit la chute de l’histoire, on comprend que l’on en ressortira en conquérants conquis, définitivement émus.

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