Close

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[Cinéma] – De Lukas Dhont

Avec Kevin Janssens, Eden Dambrine, Marc Weiss
1h 45min / Drame

+ L’inventeur – 2010/FR/4mn (court métrage précédant le film)

Synopsis et critique : Utopia

Il n’y avait pas eu l’ombre d’un doute en découvrant Girl, le premier film de Lukas Dhont : on assistait, soufflés, à l’avènement d’un grand réalisateur, un cinéaste du sensible, un explorateur atypique des zones lumineuses et sombres. Subrepticement passé des sélections parallèles à la compétition officielle à Cannes (un signe encourageant), Close fait plus que transformer l’essai. Au fil d’un récit limpide, on a beau creuser dans nos mémoires…, on réalise progressivement qu’il touche à des sujets rarement, peut-être jamais abordés à l’écran. En tout cas avec une telle acuité. Il plonge droit au but, jusqu’à l’épure et cela raisonne fort au cœur de nos propres enfances, le souvenir de relations pures et sensuelles, quand la pression sociale ne nous a pas encore sommé de choisir un camp, comme chantait l’autre, « entre l’amour et l’amitié ».

Des voix dans le noir… Elles pourraient être féminines… Le seront-elles ? C’est le grand frisson unisexe de l’enfance : jouer à se faire peur ! Léo et Rémi, du haut de leurs treize ans y excellent. Cheveux au vent, rires en bandoulière, ils courent à perdre haleine pour fuir de redoutables assaillants sortis de leurs imaginaires. Le blondinet, le brun, dont la joie de vivre complice est si belle à voir. Ils profitent à pleins poumons de ce qu’ils ne savent pas être les derniers instants de leur insouciance tandis que les plus grands, les adultes, récoltent des fleurs. C’est le métier des parents de Léo, qui les observent confiants, l’œil amusé, désireux de faire la part belle au bonheur et aux zones de liberté de leurs enfants. Rémi lui aussi est choyé. Tous biberonnés au lait de la tendresse humaine, celle de familles aimantes et complices, non dénuées d’humour et d’autodérision. Ainsi coulent les derniers rayons de l’été dans les jeunes gosiers de nos inséparables qui se mangent mutuellement du regard, sans penser à mal, juste heureux d’observer le sourire de l’autre, admiratifs de leurs différences, ravis de leurs ressemblances. Et si un nuage passe, un petit geste de réconfort, un coup de hautbois et ça repart ! Impressionnants jeunes acteurs aux regards pétillants, aux sourires diamétralement opposés mais tout aussi craquants. L’un irradie la joie de vivre, l’autre plus introverti resplendit pourtant d’une toute autre manière. Le premier plus intériorisé, son second plus audacieux ; tous deux goulûment curieux. Et la vie va, éternellement heureuse, immuable. Et il nous semble retrouver là un peu du temps béni de nos enfances, le goût de nos innocences.

Puis c’est la rentrée. La fin d’un été, qui sera définitive, même si nul ne le sait encore, même si rien ne le laisse présager. Léo et Rémi seront vite rattrapés par le poids des devoirs, celui des conventions, des injonctions du groupe. Le poids de la bêtise aveugle, qui n’épargne personne. Le film prend un virage grandiose, inattendu, qu’on s’interdira de déflorer. Le point de mire en sera désormais le seul Léo, ses rêves et ses tourments, formidablement interprété par le jeune Eden Dambrine. Autour de lui, les acteurs et actrices sont en tout point remarquables : Emilie Dequenne, Léa Drucker, Marc Weiss, Kevin Janssens, Igor Van Dessel, pour le grand frère de Léo. Ils campent avec justesse et sensibilité les figures inoubliables qui pourraient être un peu de nous tous, nos regrets, nos culpabilités, nos capacités à rebondir, nos facultés de résilience. C’est très, très beau !

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